Eso aimait venir marcher dans l'humus des sous-bois au Nord de Langres.
Depuis qu'il était revenu dans cette ville il y venait souvent pour marcher avec LeChien, son fidèle compagnon.
Trouvant une vielle souche à peu prés sèche, il s'y assit et laissa ses pensées déambuler à leur aises....
Mais ses pensées en ce moment revenaient souvent sur le même sujet.
Eso était heureux... il allait bientôt retrouver les bras de sa Myri. Sa vie n'avait de sens qu'auprès d'elle...
Mais pour cela... il lui avait fallu accepter quelque chose à laquelle il ne s'était pas préparé. Depuis toujours, Eso avait été un bien piètre pratiquant de l'église d'Aristote, comme tant d'autres d'ailleurs.
Sa disparition avait poussé Myri à trouver son réconfort dans la Foi. Elle s'était engagée sur cette voie, et ses convictions aujourd'hui en faisaient une fervente pratiquante.
De fait, Eso avait découvert un univers qui ne l'avait jamais attiré. Il n'avait jamais pris une position hostile envers l'église, et il n'en avait pas l'intention. Mais il n'avait jamais vraiment trouvé d'écho en lui aux dogmes de l'église. Il était baptisé, et avait vécu son baptême de façon sincère, mais sans vraiment comprendre.
Par la suite, dans son engagement à la Confrérie des Pélerins de la Paix, Eso avait été frustré de voir que beaucoup d'éléments brillants refusaient de venir se joindre à eux car on leur imposait le baptême. Il avait alors très naïvement proposé de ne plus imposer le baptême aux nouveaux postulants. Et ce fut le tôlé général.....
C'est alors qu'Eso commença à prendre conscience que son idéal de tolérance n'était pas partagé par tous. Il comprit aussi à cette période, qu’il ne faisait pas bon montrer ostensiblement son manque de Foi.
Quand Myri lui avait expliqué sa nouvelle position par rapport à l’église, ainsi que les engagements qu’elle avait prit dans un projet qui lui tenait à cœur mais qui la mettait de fait au service du Diocèse, Eso n’avait pas hésité une seule seconde. Il ferait le nécessaire pour rejoindre la femme de sa vie, et il accepta l’idée de devoir patienter jusqu’au mariage pour la rejoindre. Car Myri avait été claire… ce mariage devenait une condition à la reprise de leur vie commune.
La première démarche nécessaire avait donc été de passer en confession. Eso l’avait fait de façon très sincère et sans à priori... essayant de comprendre et d’intégrer les enseignements de son confesseur. Il avait aussi accepté sans broncher la pénitence qu’on leur imposa.
Puis ils avaient rencontré le Père Aranwae pour préparer leur mariage. Là encore, Eso avait écouté les enseignements du Père Aran qui tentait de leur faire comprendre l’importance de cet engagement devant l’église. Mais Eso n’avait pas besoin d’entendre cela. On tentait de lui expliquer l’importance d’un sacrement devant Dieu, alors que lui-même accordait beaucoup plus d’importance à cet engagement devant celle qu’il aimait. Il n’avait besoin d’aucun Dieu pour connaitre la force de cet engagement. Alors pourquoi lui demander de s’en dédouaner et tenter de lui mettre en supplément la colère d’un Dieu comme garde-fou à un manquement à cet engagement ? Non. Eso ne ressentait pas en lui une Foi suffisante pour faire passer son engagement vis-à-vis de Myri, après un engagement devant Dieu.
Les pensées d’Eso le ramenèrent sur Myri. Son visage s’éclaira.
Myri était sa vie. Sa seule raison de vivre. Elle n’était pas encore venue le voir à sa cabane. Mais peut être n’en avait-elle pas eu le temps.
Eso savait qu’elle était très occupée avec ses nouvelles fonctions au diocèse, ainsi qu’avec son séminaire médical. Mais il espérait qu’il pourrait la retrouver une fois que l’hôpital serait inauguré. Il avait pourtant parfois la nostalgie de l’époque où ils ne se quittaient jamais, où leur complicité pouvait s’exprimer à chaque instant, que cela soit à la confrérie, où bien dans leur foyer.
Ce temps était-il révolu ?
Eso eu soudain très froid.
Frissonnant sur sa souche, Eso senti passer une ombre terrible sur sa tête.
Il se leva et parti précipitamment en direction de sa cabane.
Sam 7 Mar - 1:47